Photo : Getty Images
Les violences sexuelles et sexistes (VSG) au sein de la Fédération française des échecs, ce n'est pas aussi simple qu'il n'y paraît, mais c'est le cas. Lorsque l'association de lutte contre le harcèlement sexuel et les violences, Colosses aux pieds d'argile, a contacté la nouvelle direction de la fédération en février 2022, elle a été stupéfaite : "A priori, ce n'est pas une fédération où le corps comme instrument de performance tente les abus", explique Simon Latournerie, directeur adjoint de l'association, avant d'ajouter : "Mais aux échecs, il y a malgré tout une forte proximité, avec deux adversaires séparés par une seule table, une mixité et un face-à-face où rien n'empêche les échanges de regards, les déstabilisations verbales, les remarques sexistes ou même la séduction. En fait, c'est aussi un terrain propice aux prédateurs".
Malgré le mouvement en faveur de la liberté d'expression, celle-ci semble "ne pas exister" dans les échecs.
Au cours de l'été, plusieurs joueuses d'échecs françaises se sont élevées contre les violences sexistes et sexuelles suite à deux cas de mineures abusées par leur entraîneur. Le 3 août, Nous, joueuses d'échecs, un groupe de 14 joueuses françaises, a publié une lettre ouverte sur le serveur X (anciennement Twitter) pour dénoncer les violences dont elles sont victimes dans leur sport.
Ils ont appelé à une plus grande prise de conscience et à ne pas rester lettre morte. "C'était vraiment l'expression d'une frustration générale. Malgré tout ce qui s'est passé dans la société, tous les mouvements visant à libérer la parole des victimes de violences sexuelles et sexistes, le jeu d'échecs est resté à l'écart de tout cela. C'est comme s'il n'existait pas", a expliqué le joueur et entraîneur Yosha Iglesias, qui a écrit la lettre avec Mathilde Choisy, ancienne directrice technique nationale de la Fédération française des échecs.
Lors du dernier championnat de France, nous avons exclu un joueur pour avoir tenu des propos déplacés, grossiers et sexistes à l'égard d'une joueuse. La lettre X ne nous a finalement pas surpris", explique Jean-Baptiste Mullon, vice-président de la fédération, "car c'est un sujet qui nous tient à cœur. Mais il fallait absolument passer à autre chose. Cette lettre va nous permettre d'aborder le sujet avec les clubs et de les mettre face à leurs responsabilités.
Nouvelle charte, réseau de conseillers et campagnes de promotion
En collaboration avec la Colosse aux pieds d'Argile, une organisation qui travaille avec plus de 50 fédérations en France, il a été décidé de renforcer la charte existante mais dépassée dans une discipline où les hommes sont majoritaires ("80 % hommes pour 20 % femmes", dit le vice-président).
La Fédération a élaboré un nouveau code disciplinaire pour éradiquer ces abus. Celui-ci prévoit des procédures de "suspension préventive" et de saisine des autorités compétentes. Les éducateurs, entraîneurs et arbitres devront également suivre un module de sensibilisation aux violences sexistes et sexuelles pour obtenir ou conserver leur qualification.
Des campagnes de communication au sein des clubs et des équipes de France sont également prévues. La fédération prévoit également de créer un "réseau de dirigeants de clubs" et de diffuser des guides pour les mineurs, les parents et les animateurs, réalisés en collaboration avec la Colosse aux pieds d'argile.
Une excellente nouvelle pour Jean-Baptiste Mullon, qui place désormais la France dans le peloton de tête des fédérations d'échecs en matière de prévention de la VSBG, mais aussi du racisme et de l'homophobie : "Tous les pays européens n'ont pas forcément la même perception de ces graves problèmes.
Aux États-Unis, il a fallu les récentes révélations de la double championne Jennifer Shahade, agressée à deux reprises par le grand maître Alejandro Ramirez il y a une dizaine d'années, pour que les médias américains s'emparent de l'affaire et confirment les agissements de ce dernier. Il a depuis été suspendu par sa fédération.
(Humanité/RoZ)