Photo : APRESS.COM/Lionel Urman
Le premier jour de l'année civile, un certain nombre de lois promulguées en 2023 entrent en vigueur, parfois de manière forcée. D'avancées mineures en bouleversements sociaux, avec les premières mesures de la loi dite du plein emploi, tour d'horizon de dix changements qui impacteront la vie quotidienne.
- France Travail remplace l'agence pour l'emploi
L'agence pour l'emploi ferme ses portes. Désormais, les usagers devront s'adresser à une institution appelée France Travail, un réseau regroupant d'anciens ANPE (chômeurs et allocataires sociaux). La carte de salarié promet d'être une vaste usine à énergie pour l'économie française. Elle est l'une des premières dispositions de la loi dite "de plein emploi", adoptée le 14 novembre, malgré l'indignation des élus de gauche qui ont dénoncé le texte comme une "guerre sociale", notamment en raison des mesures visant les allocataires du RSA (revenu de solidarité active).
À partir du 1er janvier 2025, soit dans un an exactement, toute personne qui demandera le RSA à la CAF sera automatiquement inscrite à France Travail et devra signer un "contrat d'engagement" l'obligeant à travailler 15 heures par semaine, sauf situations particulières, et fera l'objet d'une mesure de "suspension-remobilisation" qui supprimera son allocation en cas de non-respect.
2. Augmentation annuelle du salaire minimum : +1,13
Salaire mensuel brut de 1 766,92 € ou 1 398,69 € net pour une semaine de 35 heures. C'est le nouveau montant du Smic (salaire minimum de croissance), qui passera de 11,52 € à 11,65 € de l'heure, soit une augmentation mensuelle de seulement 15,62 € (+1,13 %, comme le précise le décret publié au Journal officiel du 21 décembre 2023). En 2023, plus de 17 % (3,1 millions) de salariés (essentiellement des femmes) seront rémunérés au SMIC, dont beaucoup travaillent à temps partiel.
"Qui peut croire que plus de 3 millions de salariés travaillent sans qualification et sans expérience ? En décembre dernier, L'Humanité citait l'économiste Henri Sterdyniak qui estimait que "les salaires devraient mieux refléter l'utilité sociale des emplois", alors que "la crise du secteur de la santé a montré le rôle de ceux qui font d'abord les travaux les plus pénibles".
Depuis janvier 2021, le salaire minimum a augmenté de 12,4 %, alors que l'inflation a été de 12,5 %, ce qui signifie que son pouvoir d'achat est resté pratiquement inchangé, a souligné le cofondateur des Economistes atterrés.
- Les chèques-repas peuvent toujours être utilisés pour acheter de la nourriture.
Les titres-restaurant peuvent encore être utilisés pour acheter des légumes ou des paquets de riz dans les supermarchés. Le mois de janvier 2024 devait marquer la fin de l'utilisation des titres-restaurant pour l'achat de plats cuisinés. Ce ne sera finalement pas le cas cette année, car Olivia Grégoire, ministre française des petites et moyennes entreprises, a décidé de prolonger l'exemption jusqu'au 31 décembre 2024.
Cette décision constitue un retour en arrière après le tollé général provoqué par l'annonce de Bruno Lemaire en novembre dernier. Dans un contexte de flambée des prix, le ministre de l'économie avait annoncé son intention de mettre fin à cette mesure, instaurée en 2022 et destinée à limiter l'impact de l'inflation alimentaire sur les salariés.
- Voitures électriques : offre de location à long terme
Il sera désormais possible de louer une voiture électrique pour 100 euros par mois sur une longue durée, sous certaines conditions. Cette offre, dont l'objectif affiché est de permettre aux ménages les plus modestes de passer à la voiture électrique, est une promesse préélectorale du candidat Macron et une mesure phare de son plan visant à réduire de 55 % les émissions de gaz à effet de serre de la France d'ici 2030.
Mais qui en bénéficiera vraiment ? Pas grand monde pour l'instant, car l'offre sera dans un premier temps réservée aux conducteurs actifs de poids lourds (parcourant plus de 8 000 km par an ou habitant à plus de 15 km de leur lieu de travail) dont le revenu fiscal par part est inférieur à 15 400 euros par an.
Une plateforme appelée "My Electric Leasing" a été mise en place pour ceux qui remplissent les conditions requises, où ils devront contacter des sociétés de location agréées du secteur privé. Les premières clés seront distribuées en janvier.
Selon l'Élysée, la flotte sera comprise entre 4 et 5 millions de personnes, avec 20 000 à 25 000 véhicules en location d'ici fin 2024, pour atteindre 40 000 en 2025. Ces chiffres sont loin des 100 000 voitures électriques annoncées par le chef de l'État lors de la campagne présidentielle.
Karima Delli, présidente de la commission des transports et du tourisme du Parlement européen, se plaint à Libération : "Si peu de gens s'en soucient, c'est qu'il s'agit d'une question de marketing. Il faut surtout apporter une réponse sérieuse au rail et aux transports publics, c'est ce que les Français attendent vraiment de la mobilité.
- Handicap, perte d'autonomie : création de MaPrimeAdapt, refonte des aides existantes
Le programme "MaPrimeAdapt" est un programme sous conditions de ressources destiné à aider les personnes handicapées ou en perte d'autonomie à améliorer l'accessibilité de leur logement. Il permet de financer des travaux tels que l'aménagement d'une salle de bain, la construction d'un escalier ou l'élargissement d'une porte d'entrée, à hauteur de 50 % ou 70 % du coût des aménagements.
Critères d'éligibilité : avoir un degré de handicap égal ou supérieur à 50 %, ou être âgé de 60 à 69 ans avec une perte précoce d'autonomie, ou être âgé de 70 ans ou plus, quel que soit le degré de dépendance ou d'autonomie.
Cependant, MaPrimeAdapt n'est qu'une refonte de trois aides existantes, qu'elle remplacera à partir du 1er janvier 2024 : les aides du programme "Habiter Facile" distribuées par l'Agence nationale de l'habitat (Anah), les aides de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) pour l'adaptation des logements des personnes âgées et le crédit d'impôt pour certains types de travaux.
- Avortement : pas de délai de carence pour les congés de maladie
Les femmes en arrêt maladie après une fausse couche ne subiront plus de retenue sur leur salaire. La loi du 7 juillet 2023, qui vise à "mieux accompagner les femmes après une IVG", met fin au délai de carence pour les indemnités journalières qui avait été instauré dans le cas d'un arrêt maladie classique.
Cette mesure est destinée à s'appliquer aux professionnels des secteurs privé et public, ainsi qu'aux travailleurs indépendants et non agricoles.
On estime à 200 000 le nombre de femmes qui interrompent spontanément leur grossesse chaque année en France, une épreuve difficile dont les conséquences physiques et psychologiques sont souvent minimisées par l'entourage et qui est source de difficultés de plus en plus documentées.
- Lutte contre la violence domestique : le système judiciaire met en place des centres spécialisés
Il s'agit de l'une des réformes introduites par le ministère de la Justice en 2023. Elle prévoit la création de centres spécialisés dans la lutte contre la violence domestique dans tous les tribunaux et cours d'appel. Ces centres, composés de juges et de procureurs, ainsi que de directeurs de greffes, de greffiers et d'assistants juridiques, auront pour objectif de garantir une action coordonnée et rapide de tous les acteurs impliqués dans le système judiciaire et de leurs partenaires.
Cependant, face aux méfaits qui ont conduit à 49 616 condamnations en 2022, soit une augmentation de 123 % par rapport à 2017 (22 206 condamnations), les associations œuvrant dans ce domaine jugent cette mesure peu ambitieuse, alors même que la création de " juridictions " spécialisées était une promesse préélectorale d'Emmanuel Macron en 2022.
- Forte augmentation du prix des timbres
La Poste a annoncé ce changement en juillet dernier. À partir du 1er janvier, les clients devront payer les timbres beaucoup plus cher, en moyenne 8,3 %. Pour les timbres verts, qui passeront de 1,16 € à 1,29 €, l'augmentation sera de 11,20 %.
La Poste a justifié cette décision "dans le contexte de l'inflation et de la baisse des volumes de colis".
- Obligation de tri des déchets : étendue aux particuliers
Depuis le 1er janvier, les déchets alimentaires ne peuvent plus être jetés avec les ordures ménagères. Le site web du gouvernement indique que "le tri des biodéchets sera étendu à tous les professionnels et aux particuliers". Cela signifie que chaque ménage devra prendre des mesures pour mettre en place une "solution de tri à la source", "qu'il s'agisse d'un composteur personnel ou d'une poubelle de tri". Cette mesure s'inscrit dans le cadre de la loi relative à la lutte contre les gaspillages et à l'économie circulaire (loi Agec), adoptée en 2020 pour lutter contre le gaspillage alimentaire.
Cependant, de nombreuses collectivités locales chargées du recyclage ne sont pas prêtes pour cette transition, notamment pour des raisons financières. "Nous estimons qu'environ vingt millions de Français, soit un tiers de la population, utilisent la solution", a déclaré Nicolas Garnier, délégué général d'Amorce, qui accompagne les collectivités dans leur transition, au journal L'Humanité.
- Rémunération des stages : augmentation symbolique
Trente centimes de plus par heure. A partir du 1er janvier, la rémunération minimale légale des stagiaires embauchés par les entreprises passera de 4,05 à 4,35 euros par heure de présence effective. Les stagiaires recevront 15 % du plafond de la sécurité sociale conformément aux modifications de ce plafond.
Le Humanité/JaV